Les éventaillistes du pays de Thelle

Comment parler de l’éventail français sans évoquer les tabletiers du pays de Thelle, situé dans la région de Méru, à une cinquantaine de kilomètres, au nord de Paris.

C’est à partir du XVII siècle que cette activité va voir le jour dans cette région, les tabletiers et les éventaillistes qui s’unissent en 1776 ne fabriquent que les bois d’éventails destinés aux éventaillistes parisiens qui se réservent la partie artistique du travail (gravure, sculpture, dorure et autres enjolivures).

Durant tout le XVIII siècle les éventaillistes du pays de Thelle resteront de pures tabletiers, il faudra attendre le début du XIX siècle et la mode des beaux éventails, pour que les grossistes parisiens reviennent dans cette région, deux villages vont se distinguer dans ce domaine vers 1828, Andeville et Sainte-Geneviève avec l’arrivée du travail de la nacre et leur maitrise de la gravure.

La venue à Sainte-Geneviève d’un parisien au chômage, M.Willaume, graveur de son état va tout déclencher, il n’hésitera pas à transmettre son savoir, mais sera très rapidement dépassé par ses élèves, il ne restera qu’un an avant de repartir sur Paris.

C’est un véritable engouement pour ces tabletiers éventaillistes, de 36 graveurs en 1836, ils passeront à 400 en 1860, la totalité des exportations de luxe passe par leurs mains ainsi que 90% de la consommation française. Pendant cette période et afin de répondre à la demande, les graveurs de Sainte Geneviève vont inventer un procédé de gravure et de sculpture au touret (tour à guillocher). Cette technique fera la gloire de ce village. Par contre, à Andeville les tabletiers resteront fidèles au travail à la main, du burin à l’onglette, puis de la gouge et de l’échoppe, soit près de 80 outils différents par graveur-sculpteur qui travaille aussi bien l’os, la come, les bois des îles, l’ivoire et la nacre.

 

L’aspect artistique

Les éventaillistes n’employaient jamais le mot « artiste» pour se désigner. Ils se disaient ouvriers, découpeurs, graveurs ou sculpteurs. La monture d’un éventail est une œuvre collective mais jamais anonyme, comme l’écrit François Taupinard, tabletier historien d’Andeville.

« Il faut examiner les belles pièces comme un spectacle complet, où, l’un après l’autre, les artistes font leur numéro. La nacre à été triée et préparée chez Poulet, qui pourrait dire le nom des ouvriers chargés de ces travaux. La doublure de burgau est sortie des doigts de François-Augustin Devarenne. C’est Léon Barré qui a façonné les brins. Le découpeur, c’est Auguste Verry. Rosalba Levasseur a fait la gravure, Edouard Bastard, la sculpture. Son fils Elphège a conçu et composé l’ensemble de la monture et il a sculpté les têtes et les mains. Marguerite Hebert a fait la dorure. Toute la région admire le talent et la conscience de ces ouvriers et de cinquante de leurs pareils. Duvelleroy, et les autres prestigieux fournisseurs des cours étrangères les connaissant personnellement et les ont vus à l’œuvre, à l’atelier ou à domicile. »

Ces éventaillistes ne cesseront de rechercher la perfection et la qualité d’exécution, partis d’une technique élémentaire de l’outil, sans avoir étudié le dessin, ils vont fidèlement copier une documentation souvent médiocre.

En fait, c’est l’arrivée du chemin de fer (1875), et leurs nombreux déplacements sur Paris, que ce soit pour rencontrer leurs clients, découvrir les vitrines de luxe et visiter les musées qui vont bien vite leur imposer une formation Artistique.

Avec les moyens du bord, une école de dessin voit le jour à Andeville, les premiers cours sont donnés par les meilleurs décorateurs, puis en 1880, le cours municipal cède sa place à « l’école des beaux-arts d’Andeville ». Simultanément donnés a Andeville et Sainte-Geneviève, les cours seront assurés par Georges Perrichon puis son fils Jules-Léon tous deux peintres graveurs.

Par Eric Fournier

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